samedi 28 mars 2015

"Revivre après la mort d'un enfant"

Parce qu'il n'y a pas de mot, ni de statut, après que l'on a perdu un enfant, ils sont simplement restés Hélène et Laurent. Parce qu'un an après le séisme qui a secoué leur famille, ce couple de gens discrets, établis à Pourrières, parle de l'accident qui a coûté la vie à leur fille Julia, 16 ans, et Héléna, une autre lycéenne de 17 ans.
Elles se trouvaient à bord du minibus qui les ramenait chez elles, un vendredi, après le lycée. Un trajet ordinaire qui tourne au cauchemar, sur la RD7N, l'ancienne Nationale 7, au pied du paisible chemin des Amandiers. "C'est là, juste là...", soupire Hélène qui passe chaque jour à l'endroit où le minibus a été heurté à l'arrière par un camion. Une information judiciaire est ouverte pour déterminer les circonstances exactes de l'accident mortel.
C'est une peine à perpétuité pour une faute que l'on n'a pas commise
"Nous avons confiance dans la justice pour connaître toute la vérité. Et puis nous avons envie de générer une prise de conscience, pour que ce qui nous arrive, ne touche pas d'autres familles." Parce que depuis un an, et ils le disent très dignement, "notre vie a explosé. C'est une peine à perpétuité pour une faute qu'on n'a pas commise. Comme si j'étais amputée, personnellement, d'un membre. Bien sûr, confie cette maman de 43 ans,ce serait facile de sombrer dans la haine, les ténèbres et la colère. Oui, ce serait facile."
Reste, et cela peut sembler paradoxal, que "nous sommes tellement anéantis, que nous avons besoin de nous reconstruire pour retrouver un semblant de vie normale". Si Julia n'est plus là pour rire, peindre et rapporter ses bulletins de première de la classe (c'était comme ça depuis la maternelle, avec le dernier qui affiche une moyenne de 18,86/20 en seconde scientifique avec une année d'avance), sa soeur cadette est ce qui pousse Hélène et Laurent à tenir. Coûte que coûte. Un pas après l'autre, "sur un chemin où les gens qui nous soutiennent, depuis notre famille proche jusqu'aux inconnus qui nous écrivent, sont autant de petites lumières pour nous aider à avancer depuis ce 27 mars 2014". Ce soir-là, Hélène est à la maison et attend le retour de Julia.
"Quand elle était au collège, je l'amenais et je la ramenais. Je suis un peu... maman poule, s'excuse-t-elle du bout des lèvres, le sourire fugace. Pour la première année, je consentais à la laisser prendre la navette scolaire, parce que je pensais qu'elle y serait en sécurité."
Le trajet est toujours le même : un grand bus de 50 places ramène les élèves jusqu'à Pourrières, où un minibus les prend et les dépose devant chaque maison. "Ce soir-là, ne la voyant pas rentrer, je lui envoie un SMS : 'Chérie, tu es où ?' Elle ne répond pas et je l'appelle. Il est 17 h 42. Pas de réponse."
Hélène téléphone à son mari pour l'alerter. "J'ai pris ma voiture pour aller voir. J'ai croisé une copine de ma fille à qui j'ai demandé si elle avait vu Julia. Elle m'a répondu qu'elle était sûrement dans la navette, mais qu'il y avait eu un accident..."
Une pétition pour sécuriser la RD7N
Hélène panique : "Je descends encore et je vois la file de voitures sur la Nationale 7, des pompiers partout, un hélicoptère... Je ne comprends pas, je ne m'attends pas à voir la navette là."
Un médecin du Samu s'approche, demande ce qu'elle fait là. Elle répond qu'elle vient chercher sa fille, avant de voir un corps allongé. "Ils s'occupaient tous d'elle. J'ai reconnu ses chaussures, délacées et posées à côté de ses pieds." On lui annonce doucement qu'on n'a pas pu la sauver. Et puis après... "Il faut assurer la logistique", raconte Hélène avec une moue triste.
Aller récupérer sa cadette à l'école et lui bander les yeux pour qu'elle ne voie pas la scène. Une maman reste une maman. Rentrer à la maison pendant que son mari demeure avec Julia. Tomber, se relever et rester debout pour leur fille cadette, 10 ans aujourd'hui. "On ne met pas un enfant au monde pour le laisser au bord d'une route." Hélène, elle, est comme restée debout au bord de la Nationale 7, "figée au 27 mars. On me dit de continuer à marcher, et tous les gens qui nous soutiennent, me servent de prothèse". Comme les souvenirs qu'elle garde de cette brune aux yeux noirs qui voulait être médecin.
Depuis, une pétition a circulé et un collectif est mobilisé pour faire sécuriser la RD7N. Plus de 10 000 personnes sont "amies" avec la page Facebook "Soutien à Héléna et Julia, décédées dans un accident de bus". Ce soir à 18 h 30, une messe sera célébrée en la basilique de Saint-Maximin, pour leur rendre hommage. "On va tenir bon, pour les filles. Promis."
Une information judiciaire ouverte
Danielle Drouy-Ayral, le procureur de la République de Draguignan, nous indiquait hier qu'une information judiciaire a été ouverte par le parquet et confiée à un juge d'instruction, les jours qui ont suivi l'accident mortel qui a coûté la vie à Julia et Héléna. "Les investigations sont encore en cours", indique la responsable du parquet de Draguignan. Et la justice attentive à ce dossier.

http://www.laprovence.com/article/actualites/3331301/revivre-apres-la-mort-dun-enfant.html

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