mardi 17 novembre 2015

Opération anti-islamistes à Toulouse

Des colonnes de CRS longent les immeubles plongés dans l'obscurité. Protégées de casques et de boucliers, les forces de l'ordre scrutent les coursives à peine éclairées. Au pied des bâtiments, au cœur du quartier Reynerie, à Toulouse, classé en zone de sécurité prioritaire (ZSP), des hommes du Raid et de la BRI de la police judiciaire, encagoulés, déboulent dans les halls d'immeuble, rue Jean-Gilles, face à l'université du Mirail et cheminement Auriacombe, situé à moins de 200 mètres.

II est 1 h 30, les CRS bouclent les entrées

Dans ce quartier en pleine rénovation urbaine, les CRS bouclent les entrées et filtrent méthodiquement les allées et venues. Il est 1 h 30, dans la nuit de dimanche à lundi. Le silence est à peine rompu par des claquements de portière et des vrombissements de moteur de voitures qui semblent glisser sur l'asphalte froid. Tout juste arrivés, les groupes d'intervention repartent à bord de fourgons banalisés. Le cortège s'enfonce à nouveau à l'autre bout du quartier, entre la rue d'Indy et le cheminement Cambert, éventré par la destruction d'anciennes tours d'HLM.
Un faisceau laser vert cible la façade d'un appartement. Le petit rond lumineux s'agite et dessine des formes concentriques sur une fenêtre. Un objectif visé. Les volets sont clos. Le signal est donné. Quelques secondes plus tard, les hommes du Raid ouvrent la porte de l'habitation en présence d'une équipe de démineurs et de chiens renifleurs de drogue. Intervention en douceur et maîtrisée, comme si chaque étape de cette opération préparée à la hâte avait été soigneusement calculée. Auriacombe, Cambert, des lieux connus pour leurs trafics de drogue mais aussi pour avoir abrité d'ex-salafistes en 2007, dans l'affaire des filières d'acheminements de jihadistes vers l'Irak.

Huit ans après un coup de filet antiterroriste

À cette époque, des membres toulousains de ce réseau de jihadistes étaient déjà en relation avec des individus liés à la communauté islamique de Bruxelles et de Molenbeek, ce quartier aujourd'hui au cœur de l'enquête sur les massacres perpétrés à Paris.
Huit ans après ce premier coup de filet antiterroriste à Reynerie, et deux jours après les massacres qui ont ensanglanté la capitale, 280 policiers, CRS, sécurité publique, PJ, BRI et Raid viennent «frapper» dix objectifs en terrain connu. Une impression de déjà-vu dans une zone en partie rongée par le trafic et l'économie souterraine.
Des cibles à la fois choisies par la sécurité publique et la police judiciaire à la demande du ministère de l'Intérieur. Comme partout en France. Une vaste opération nocturne en réponse aux attentats de vendredi soir. Pour autant, «cette opération n'avait pas de lien avec l'enquête en cours sur les attentats de Paris du 13 novembre», indique la préfecture de Haute-Garonne. Il s'agit surtout de mettre la main sur d'éventuelles armes à feu. Une action éclair rendue possible après un arrêté signé par le préfet de région Pascal Mailhos. Traduction directe de l'état d'urgence décrété ce week-end par le chef de l'état et permettant d'effectuer des perquisitions administratives à tout moment, sans mandat judiciaire.
Résultat : cinq hommes interpellés âgés de 22 à 45 ans, connus des services de police pour des trafics de produits stupéfiants, soupçonnés d'appartenir à une mouvance liée à l'islam radical. Parmi elles, un père et son fils.

20 000 € de faux billet saisis

À leur domicile, les policiers saisissent une arme automatique chargée qui fait l'objet de vérifications mais surtout près de 20 000 € de faux billets. Ces nombreuses coupures falsifiées de 50 et 100 € pour lesquelles les deux hommes doivent s'expliquer, en garde à vue, dans les locaux de la police judiciaire, sont retrouvées. Près de 500 grammes de cannabis sont également découverts. Deux autres individus sont en garde à vue à la sûreté départementale pour détention de produits stupéfiants. Près de 7 000 € en espèces ont été saisis.
En plus de ces cinq arrestations, deux personnes sont assignées à résidence, sur décision du ministre de l'Intérieur.
Il ne s'agit pas d'un coup de filet dans la nébuleuse salafiste dont on estime le nombre de ses adeptes à 800, à Toulouse et dans sa région, mais plutôt d'une opération coup de poing montée dans l'urgence «sur des cibles potentiellement dangereuses et connues des services», reconnaît un enquêteur.
Hier matin, l'individu de 22 ans interpellé en possession de 100 grammes de résine de cannabis a été présenté au parquet avant d'être jugé en comparutions immédiates. L'homme retrouvé avec près de 7 000 € en espèces était toujours en garde à vue au commissariat.
Hier soir, des opérations similaires ont été lancées dans le quartier sensible des Izards au nord de Toulouse.
Cinq personnes ont été placées en garde à vue au total. Une grande partie pour détention de produits stupéfiants, puis pour détention de faux billets et d'armes à feu. Des cibles «potentiellement dangereuses».

http://www.ladepeche.fr/article/2015/11/17/2218928-operation-anti-islamistes-a-toulouse.html

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