vendredi 5 juin 2015

Assises de la Dordogne : la famille de la victime attend des réponses

Depuis deux jours, au palais de justice de Périgueux, ils ne quittent pas le banc faisant face à la cour d'assises et au jury. Jusqu'à ce jeudi midi, la sœur de la défunte a conservé sur les genoux une photo de Pascale Bourdin, tuée dans des conditions atroces, il y a deux ans et demi, dans son appartement de la rue Pozzi, à Bergerac (1). L'avocat d'Hamid Tahiri, Me Jean-Louis Malbec, a fini par réclamer que l'image sorte du champ de vision des jurés : « Je n'ai rien dit car je ne trouve pas illégitime qu'une absente soit présente », a justifié le président Jérôme Hars avant d'accéder à la demande de la défense pour lever toute suspicion de tentative de pression.
« J'ai peur de l'avoir cassée »
La veille, Anne-Laure Vanoverfeld, la nièce de la victime, avait pu évoquer son souvenir à la barre : « Une personne admirable, dévouée pour sa famille, le cœur sur la main, toujours prête à aider autrui, toujours présente dans les moments difficiles, comme pour la perte de ma fille survenue seulement deux mois avant qu'elle parte », confiait la femme de 27 ans. « Tatie, on t'aime tant. Jamais tu n'aurais dû partir avec tant de barbarie. La douleur est trop forte, bien pire qu'à l'enterrement. »
La mère d'Anne-Laure, Dominique Vanoverfeld, avait vu sa sœur s'engager sur une pente rendue glissante par l'alcool : « J'ai peur de l'avoir cassée en lui annonçant que j'étais malade et que je risquais de ne pas m'en sortir. » Son frère avait tenté de la mettre en garde contre ces gens dont elle ignorait tout ou presque et à qui elle ouvrait naturellement la porte. Hamid Tahiri, l'accusé, était de ceux-là.
Venu à Bergerac dans l'idée étrange de faire les vendanges, il a sympathisé non loin de la gare avec Driss, un natif du Maroc, comme lui. Ils ont bu des verres en évoquant le pays. C'est le moment qu'a choisi Pascale Bourdin pour passer un coup de fil à Driss afin de lui rappeler une dette. Thierry Bourdin lui avait prêté 50 euros. La moitié restait à rembourser. Le créancier a dit qu'il pouvait passer la régler, sauf qu'il était accompagné. Son interlocutrice lui a répondu que ce n'était pas un souci. C'était quelques jours seulement avant la nuit du 10 au 11 novembre 2012.
Manifestement, après cette première rencontre, Hamid Tahiri s'est mis en tête qu'il pourrait revoir Pascale pour une relation sexuelle : « C'est l'idée qu'il s'était fait d'elle. Mais ce n'était pas elle », assure Dominique Vanoverfeld. Elle se souvient avoir toujours vu sa sœur fréquenter des hommes plus âgés. Hamid Tahiri avait 27 ans de moins qu'elle.

L'insondable Hamid Tahiri

Ce jeudi, l'accusé ne s'est pas montré plus bavard qu'au premier jour. Les experts ont défilé. Tout le désigne comme l'auteur des coups répétés et violents ayant provoqué la mort. Il dit se souvenir d'un rapport consenti, mais les ecchymoses observées à l'intérieur des cuisses confortent davantage l'hypothèse d'un viol.
Hamid Tahiri réussit l'impossible, associer un regard étanche à un œil vif, ce qui n'aide pas à sonder ses pensées. Ses silences, ainsi que son manque de compassion, minent les parties civiles. « Est-ce que vous comprenez que la famille ait envie de savoir ce qui s'est passé ? », interroge Me Frédérique Pohu-Panier. « Non », répond Hamid Tahiri. « Ça vous est égal de savoir ce qui arrive aux gens ? », insiste l'avocate. Il marque un long silence. Aucune réponse ne parvient à sortir. C'était peu avant qu'il ne demande une suspension : « J'ai mal à la tête. J'entends des voix. »
Tous les experts confirment qu'il souffre des symptômes de la schizophrénie : « Sa pathologie est peu compatible avec l'empathie », a indiqué le dernier psychiatre venu témoigner. Il le croit sincère lorsqu'il dit être frappé d'amnésie. Mais il suppute qu'il ne fait rien pour tenter de résorber son trou de mémoire : « Il peut trouver un certain confort psychologique à l'agrandir. » Ce même praticien estime que sa conscience reste suffisante pour qu'il soit jugé par une cour d'assises : « Il a pris le risque de boire trop. Il savait qu'il y avait un risque à boire autant. »
« Il sait très bien ce qu'il fait », s'agace Anne-Laure Vanoverfeld. Elle ne se résout pas à ce battement d'ailes qui s'est conclu dans un chaos : « Je n'arrive pas à me défaire de l'idée que ma tante est morte pour 25 euros. »
(1) Le procès se poursuit ce vendredi avec les plaidoiries et le réquisitoire. Le verdict est attendu dans la journée.

http://www.sudouest.fr/2015/06/05/il-sait-ce-qu-il-fait-1942126-1733.php

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