Il s'avance, mains croisées, pull col rond, teint pâle. Pierre, 26 ans, était jugé mardi après-midi par le tribunal correctionnel d'Angoulême pour avoir tiré au cours d'une partie de chasse en direction de la voiture qui venait de renverser un chien sur une route de Courbillac, à la limite de la Charente et de la Charente-Maritime, l'après-midi du 13 décembre.
Un coup de sang qui aurait pu virer au drame : à bord de la Peugeot 406 se trouvaient une jeune femme de 20 ans et son enfant de 2 ans et demi.
Au moment où je suis descendue, ça a tiré. On a l'impression qu'on va mourir.
« Qu'est-ce qui vous a pris ce jour-là ? », s'enquiert d'emblée le juge Vincent Raffray, rappelant à toutes fins utiles que le chien qui a déboulé d'un champ, un braque de Weimar propriété d'un autre chasseur, a survécu : « Il a été blessé à l'arrière-train, il n'est pas mort. » Le prévenu souffle une courte explication au micro : « J'étais sous le choc. » Plus loin : « Sur le moment, l'émotion. »
Versions divergentes
« Au moment où je suis descendue, ça a tiré », raconte Mélina, présente à l'audience, essuyant discrètement une larme. « On a l'impression qu'on va mourir. Surtout avec mon fils derrière. » Selon la jeune femme, elle n'a parcouru « que quelques mètres » après l'accident avant de mettre pied à terre et d'essuyer le tir. Sa blessure à une phalange aurait d'ailleurs été causée par un plomb.Une version que conteste le prévenu : « Le véhicule, il s'est pas arrêté, il a roulé, je me suis mis à courir après ». Il a alors épaulé son fusil Yildiz de calibre 20 et, semble-t-il distant d'une petite centaine de mètres, visé l'arrière de la Peugeot. « Si la conductrice ment, comment a-t-elle été blessée alors ? », interroge le juge. Pierre ne se l'explique pas.
Et le juge de reprendre : « Ce qui m'a gêné à la lecture du dossier, c'est que l'émotion que ressent un chasseur quand il voit un chien se faire percuter peut justifier ce coup de colère. » Vincent Raffray va jusqu'à citer la réplique qu'une chasseuse aurait lancée à l'automobiliste, à peine le tir de carabine essuyé : « En même temps, vous venez de buter un chien ! » Sur ces aimables paroles, la conductrice s'en était aussitôt allée.
Repli sur soi, réelle souffrance
Ce n'est que le lendemain matin que les gendarmes avaient interpellé le prévenu à son domicile. « À la suite, j'ai appris que Madame avait subi un choc. Ça, j'en suis sincèrement désolé », dit Pierre qui, étonnamment, n'aurait « jamais pensé » que celle-ci dépose plainte. « Ça laisse songeur », reprend le juge.S'il compte une mention à son casier judiciaire, pour conduite en état d'alcoolémie, le prévenu apparaît inséré. Il est plombier-chauffagiste, « soucieux par rapport à son entreprise », « pondéré », « désolé de son geste et de l'image donnée des chasseurs », est-il écrit dans le rapport d'enquête sociale lu à l'audience.
« ‘‘Pondéré'', ça me fait froid dans le dos », assène Me Nathalie Cornut, avocate de la victime. « Repli sur soi, réelle souffrance : ma cliente ne voulait même pas vous parler, Monsieur le président ! » À son tour, Stéphanie Veyssière, procureure de la République, enfonce le clou, requérant six mois d'emprisonnement : « Il regrette, il formule des regrets, mais on n'a pas l'impression qu'il a pris la mesure de son comportement ».
"Son geste est stupide"
Avocate de la défense, Me Marion Treiber tente de rattraper les silences de son client taiseux : « Son geste est stupide, il le dit lui-même et le regrette fortement même s'il ne l'a pas vraiment montré à l'audience. Il a tiré à l'arrière du véhicule et ne pensait pas mettre en danger Madame avec une arme non létale à plus de cent mètres de distance. »Le jeune chasseur a été condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et deux ans de suspension de permis de chasse.
http://www.sudouest.fr/2015/02/04/le-chasseur-tire-sur-une-voiture-un-an-avec-sursis-1819658-813.php
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